Rouge est la couleur
Les premiers pigments de la peinture paléolithique sont rouges. On les obtient à partir de la terre ocre-rouge. Puis au néolithique, on fabrique la garance, une herbe aux racines tinctoriales pour exploiter plus tard l’oxyde de fer ou le sulfate de mercure. Dans l’antiquité, le rouge incarne à lui seul la couleur.
Le rouge est longtemps resté synonyme de couleur au détriment des autres qui représentaient pour le noir, la saleté, ou encore pour le blanc, l’incolore. Le latin, coloratus, et l’espagnol, colorado, utilisent le radical de coloré pour parler de quelque chose de rouge. L’idée de couleur et donc de rouge évoque la beauté. Pour les Russes, la Place Rouge, krasnoï, signifie aussi belle.
Glorieux et masculin est le rouge
Le pouvoir s’habille de rouge depuis l’Antiquité. Sous la Rome Impériale, seuls l’Empereur et les chefs de guerre revêtent des habits officiels rouges. Fabriqué avec la substance colorante du murex, un coquillage récolté en Méditerranée, le rouge obtenu est solide et lumineux. La rareté du murex en fait rapidement la couleur du luxe par excellence. Les paysans se contentent de la garance dont la teinte est terne. Bientôt, les réserves de murex sont épuisées, et à partir du Moyen Âge, on apprécie le rouge Kermès, œufs de cochenilles qui parasitent les feuilles de certains chênes. Si le plus beau, le plus prestigieux des vêtements est rouge, alors la mariée en porte et cela jusqu’au XIXe siècle. Bientôt la révolution et le communisme s’emparent du rouge. Le petit peuple est « rouge de colère ».
Depuis le XIIIe siècle, le pape renonce au blanc pour choisir le rouge comme la couleur de l’affirmation de son autorité. Dès lors, les réformateurs protestants s’insurgent contre le rouge, soit la suprématie papiste et le dogme catholique. Ils véhiculent l’idée selon laquelle le rouge est immoral. Mais leur propagande ne suffit pas à éteindre les feux du rouge. La civilisation l’admire trop pour y renoncer. Si dès le Moyen Âge, les hommes s’habillent de moins en moins en rouge, pourtant signe de pouvoir et de guerre, ce sont les femmes qui profitent de l’occasion pour s’approprier la couleur et la rendre sensuelle, jusqu’à lui conférer une connotation sexuelle. Le masculin devient discret en bleu, et la féminité s’affiche désormais en rouge.
Ô rouge des pieux
La symbolique liturgique du rouge a contaminé les cultures et perdure dans le monde moderne. Elle s’articule autour de quatre pôles majeurs :
- Rouge feu de la vie de l’Esprit saint de la Pentecôte, des langues de feu régénératrices qui descendent sur les apôtres - Rouge de la mort, de l’enfer, des flammes de Satan qui consument et anéantissent. - Rouge, sang du Christ, sauveur qui purifie et sanctifie - Rouge du sang du crime, du péché et des tabous bibliques
Le rouge illumine et effraye. Il porte cette ambivalence qui le rend si puissant à nos yeux.
Rouge de la dualité symbolique
Comme le ying et le yang intrinsèques, les identités du rouge s’opposent et se confondent à la fois. Dans l’Ancien Testament le rouge est associé tantôt à la faute et à l’interdit, tantôt à la puissance et à l’amour. Si les femmes se mariaient en rouge, les prostituées étaient contraintes de porter une pièce de couleur rouge pour qu’on les reconnaisse dans la rue.
Rouge des contes de fées
La première version du Petit Chaperon date de l’an mille. Et la fillette est déjà vêtue de rouge. Quatre interprétations s’articulent autour de cette symbolique rouge. D’abord les historiens affirment qu’au Moyen Âge, on habillait les enfants en rouge de façon à les repérer de loin. Les textes anciens situent le conte le jour de la Pentecôte dont la couleur liturgique est, rappelons-le encore, le rouge. Quant aux psychanalystes, ils avancent la thèse selon laquelle, le rouge symbolise le sang de la fillette qui vient de perdre sa virginité avec le loup. Enfin les sémiologues perçoivent plus simplement le code chromatique antique (rouge-blanc-noir) : une fillette vêtue de rouge porte un pot de beurre blanc à une grand-mère habillée de noir.
Héritage de la symbolique du feu et du sang
-les feux rouge -le carton rouge -la Croix Rouge -l'alerte rouge -le téléphone rouge...
En Occident, la fête se fait souvent en rouge : Noël, les spectacles (théâtre et opéras en sont ornés), le luxe. Milady
Michel Pastoureau, Le petit livre des couleurs, Points Histoire, 5 euros.
1 commentaire:
Bravo Milady qui dore sous le soleil du proche-orient....
Keep going
signé celui qui attend aussi toujours un comment sur son blog
Enregistrer un commentaire