samedi 28 février 2009

On ne chante pas toujours sous la pluie


Pour la semaine cinéma, j’ai puisé dans mes souvenirs de l’histoire du Septième Art… Récits plus ou moins transformés en mythes, légendes polies avec soin, mais aussi destins graves, voire cruels. C’est finalement le visage d’un acteur de l’âge d’or d’Hollywood qui s’imposa : un beau visage d’homme des années 20, un peu daté avec sa fine moustache au bord des lèvres, ses cheveux crantés et plaqués en arrière, sa mâchoire carrée et ses yeux de velours passés au fard. Mais derrière son sourire de séducteur viril, capable de toutes les cascades pour sauver une longue jeune fille aux boucles blondes, on devine (on pense deviner) la profonde amertume d’un homme dont le succès, sitôt arrivé à maturité, n’a cessé de décliner, et la blessure d’un amour déçu.

L’histoire de John Gilbert (1899 – 1936), qui sombra dans l’alcoolisme à l’arrivée du cinéma parlant avant de mourir lamentablement à 37 ans, fait partie de ces destins qui inspirèrent Chantons sous la pluie. Comme le personnage principal du film de Stanley Donen, John Gilbert avait les dents blanches et l’allure ravageuse. Comme l’autre personnage-clé, la dangereuse idiote Lina Lamont, John Gilbert avait… une voix de crécelle.

Ayant très tôt connu la faveur du public, « l’homme à la moustache » (né John Cecil Pringle) a pu même un temps concurrencer l’immense Rudolf Valentino. Il participa aux grands succès du muet, incarnant sans relâche le beau ténébreux, le mousquetaire ou le héros au sombre passé, et fut notamment un des visages du comte de Monte-Cristo. En 1926, il rencontre Greta Garbo, tout jeune actrice fraîchement arrivée de Suède, sur le tournage de La Chair et le Diable. C’est le coup de foudre… surtout pour Gilbert. Bien que déjà marié (et il le sera de nombreuses fois encore), il n’a de cesse de poursuivre Garbo de ses assiduités, et, quelques années plus tard, lorsque la Divine accepta enfin la demande en mariage de son admirateur, c'est pour l’abandonner devant l’autel le jour de la cérémonie. D’aucuns y voient le début de la déchéance de John Gilbert. D’autres l’imputent à sa voix de fausset qui, en 1929, lors de son premier film parlant, fit tressauter de rire toute la salle. Quelle blessure pour un homme accoutumé à être l’image de la séduction mâle ! D’échecs en échecs, abandonné par les studios et par le public qui, peu de temps auparavant, l’idolâtrait, John Gilbert s’enfonça dans le désespoir et l’alcool, avant de mourir dans l’indifférence d’Hollywood, tandis que Garbo, qui avait su adapter sa voix délicieusement rauque à son personnage de femme fatale, connaissait une gloire toujours plus grande.

Etoile Clio

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Géniale cette histoire! Je ne le connaissais pas du tout...