La petite histoire du bleu

Le bleu est méprisé dans l'Antiquité probablement à cause d'une fabrication difficile à maîtriser. Aux yeux des romains, la couleur bleue est réservée aux barbares. Aussi malheur à celles ou à ceux qui avaient des yeux bleus. C'était un signe de mauvaise augure. Quant aux Grecs, les historiens déplorent de trouver la moindre mention du bleu dans les textes. A croire qu'ils ne la percevaient même pas.

Vierge Marie

Ce n'est qu'à partir du XIIe siècle que le bleu apparaît dans le culte catholique. Le changement provient des idées religieuses. Le Dieu des Chrétiens devient un Dieu de Lumière, et la Lumière est désormais bleue. Avant le Moyen Age, les ciels étaient peints en noirs, rouges, blancs, dorés, mais jamais en bleus. Cette réhabilitation du bleu est spectaculaire. La Lumière est bleue donc le ciel est bleu. Et comme la Vierge Marie habite la ciel, elle revêt un manteau de couleur bleue qui incarne la pureté. Si le bleu est divin, le Roi Philippe Auguste s'habille de bleu. Ses seigneurs l'imitent. Et la mode aristocratique du bleu est désormais lancée.

Louis VIII

La technique est perfectionnée. Un retentissement économique se fait rapidement entendre grâce à l'industrialisation de la guède, une plante mi-herbe, mi-arbuste, utilisée comme colorant de base. On parlera d'Or bleu. L'exploiteront, la Thuringe, la Toscane, la Picardie, et Toulouse. Au XVIIIe siècle, le bleu devient la couleur préférée des Européens et cela jusqu'à maintenant. Le bleu de Prusse est inventé par un pharmacien allemand en 1720. Dès lors, on obtient une gamme de nuances des bleus. Avec notamment l'exportation de l'indigo des Antilles, teinte violette du bleu.

Le voyageur contemplant une mer de nuages de Caspar David Friedrich

Les romantiques s'emparent du bleu, avec un bleu-gris, et lui confère une connotation mélancolique qui donnera naissance à l'expression "avoir le blues". Lévis-Strauss crée bientôt le premier bleu de travail avec le denim. A partir de 1930, le jean devient un vêtement de loisir, puis un signe de rébellion. Désormais tant de personnes portent le jean qu'ils forment une masse uniforme et bleue. La couleur est donc passée du statut de divin, à celui d'aristocrate, puis à l'état de mélancolique. A présent le bleu est consensuel.

Bleu de travail

Bleu, une couleur consensuelle donc tant pour les personnes physiques que les personnes morales: l'emblème bleu est choisi par les organismes internationaux comme L'ONU, l'Unesco, le Conseil de l'Europe. Cet engouement s'expliquerait par la douceur pacifique qui s'émane de la couleur. Son usage peut être immodéré puisqu'il ne fera de mal à personne.

ONU

En somme, le bleu a perdu toute sa force symbolique. Dire aujourd'hui que l'on aime le bleu reviendrait à dire, d'après l'historien Michel Pastoureau, qu'on est d'une certaine façon conformiste. Qu'on ne souhaite rien dévoiler sur soi-même.

A force d'omniprésence, le bleu apparaît comme la couleur de la douceur et de la discrétion.

Et vous le bleu, vous le vivez comment?

Michel Pastoureau, Bleu, histoire d'une couleur, Seuil, 37, 36 euros, Beau livre illustré



Le trimestriel Wad consacre son numéro d'été (n°37-5 euros) au denim: The denim issue
Notre attention se porte en particulier sur le travail créatif et décalé du photographe français Sacha Goldberger: Second Skin

Retrouvez Sacha Goldberger sur son site www.sachabada.com
Et vous nous direz si vous êtes fans autant que les Fées en ville.

Fée Milady