mercredi 11 juin 2008

La "Blanche" Gallimard

Drôle de nom pour une collection. Et pourtant, il est d’usage de dire qu’on a lu tel ou tel livre dans « La Blanche » de Gallimard, la collection des plus grands auteurs du xxe et peut-être du xxie siècle. « La Blanche » ne s’apparente pas clairement à une collection, elle reçoit tous les genres : essai, poésie, roman, mais veut se distinguer par la qualité des ouvrages qu’elle publie, sans ligne éditoriale précise. Une collection qui collectionne les grands noms, les grandes oeuvres!

Mais ce qui paraît intéressant en cette semaine blanche est surtout l'appellation « Blanche ». Elle fait référence aux couleurs revêtues par la plupart des premiers volumes brochés publiés par la maison d'édition, dont les couvertures étaient de couleur crème et non jaune paille comme aujourd'hui. La maquette retenue détonait dans les rayonnages des librairies où dominait une titraille noire sur fond jaune. Plus tard, alors que les différentes maisons usent de couleurs et d’illustrations pour se distinguer, se faire une place, Gallimard peut se targuer d’être identifiable sans le moindre effort. Gallimard est le blanc et la classe incarnée. La collection accorde à sa couleur des marques de noblesse. Pas besoin d’en rajouter, le nom de l’auteur et la qualité de l’édition suffisent. Le blanc comme l’anti-vulgarité, l’anti-mauvais goût. Ainsi, les best-sellers comme Les Bienveillantes ne porteront qu’un simple bandeau. À l’image d’une belle femme, la collection refuse les fards et préfère le naturel (un naturel travaillé bien sûr !). La maquette de couverture a été conçue à l'occasion de la parution des trois premiers volumes de la collection par l'éditeur Verbeke à Bruges. On veille déjà au moindre détail, rien n'est laissé au hasard — on sait, depuis Mallarmé, ce que la poésie doit à la typographie, et inversement. La maquette finale relève d'un refus catégorique de traitement décoratif au profit d'une lisibilité intacte, privilégiant unité typographique et sobriété de la composition. Elle se rattache à celle de « La NRF » par son papier mat de couleur crème, par l'adoption d'une elzévirienne assez fine et allongée, aux contrastes de graisses peu marqués, et par l'impression en deux couleurs, rouge et noir. Elle en diffère cependant par le cadre à filet noir et double filet rouge.

Cette maquette sera stabilisée durant l'entre-deux-guerres, une fois le filet horizontal entre l'auteur et le titre supprimé, le monogramme NRF traité typographiquement (Garamond puis Didot italiques), le Didot gras adopté pour l'impression du nom de l'auteur et le titre et enfin les filets rouges et noir prolongés en dos. Au cours des années 1950 apparaissent les premiers résumés en quatrième page de couverture.

Si le blanc représente incontestablement la qualité et la noblesse chez Gallimard, une anecdote en témoigne. Pennac, à ses débuts, était publié dans « La Série Noire », pendant policier de la première. La fée carabine par exemple est publiée en 1987 dans cette collection « de seconde main ». Il faut attendre 2003 et le succès et la reconnaissance que l’on connaît à cet auteur pour que le même ouvrage passe en « Blanche » ! sans le moindre complexe…

Carabine

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